Fashion Reboot 2025 : État des lieux et perspectives pour 2026

L’Institut Français de la Mode organisait le 27 novembre dernier sa journée annuelle Fashion Reboot, consacrée aux mutations profondes qui redessinent le secteur de la mode et du luxe. Dans un contexte mondial instable, cette édition a réuni dirigeants, experts et observateurs pour analyser les grands enjeux économiques, géopolitiques et technologiques.
Au cœur de cette journée, l’intervention de Gildas Minvielle a permis de dresser un état des lieux précis du marché français de la mode en 2025, enrichi par l’analyse de Rexecode sur l’environnement économique global. Voici les points clés à retenir:

Un marché français sous tension, entre baisse des volumes et modération des prix

Les chiffres 2025 montrent un marché fragilisé. Plus de la moitié des marques et enseignes (53 %) ont constaté un recul de la fréquentation en magasin. Les ventes en volume chutent de 1,6 % par rapport à 2024. Entre janvier et septembre 2025, le chiffre d’affaires des distributeurs français du secteur habillement-textile a diminué de 8,5 % par rapport à 2019. Sur la même période, le marché total de l’habillement et du textile enregistre une baisse de 1,3 % par rapport à 2024.

Cependant, l’inflation s’est modérée : les prix moyens ont augmenté de 1,5 % en 2025, après une hausse plus marquée en 2023, et ne devraient croître que de 0,7 % en 2026.

Le digital et la seconde main, moteurs de la transformation des comportements

Le commerce en ligne confirme son ancrage structurel. Sur les neuf premiers mois de 2025, les ventes internet dépassent de 10 % les niveaux de 2019, notamment grâce aux jeunes consommateurs de 18-24 ans qui adoptent massivement aussi la seconde main. Ce « re-commerce » devient une norme pour cette génération, recomposant le rapport au prix et à la valeur du vêtement.

Ultra fast fashion : un choc concurrentiel et un bouleversement des repères

L’ultra fast fashion, représentée par des plateformes comme Shein, Temu ou AliExpress, a pris une place significative sur le marché français, avec :

  • 56 % des femmes de 16 à 24 ans consommatrices,
  • 38 % des Français ayant acheté sur ces plateformes en 2025.

Le trio Shein, Temu, AliExpress représente 6 % du marché total en volume (2% en valeur), 19 % des achats en ligne (8 % en valeur). Leur succès repose sur des prix très bas (environ 9 € en moyenne pour Shein et Temu, soit trois fois moins que le milieu de gamme), la disponibilité d’un grand nombre de tailles et la diversité de produits.

Cette dynamique provoque un brouillage des repères pour les consommateurs :

  • 38 % placent le prix comme critère d’achat principal,
  • 28 % des acheteurs de seconde main jugent les produits neufs trop chers.
  • 13% du marché en valeur correspond à la Fast Fashion et la seconde main

Par ailleurs, la perception de l’éthique de l’ultra fast fashion est ambivalente : 38 % estiment que les conditions de travail sont comparables à celles des autres enseignes, et 45 % jugent leur impact environnemental équivalent. Ce relativisme complique la critique de ces plateformes et accentue le défi pour les marques traditionnelles : concilier prix juste, qualité et valeurs éthiques pour regagner la confiance.

Un environnement économique mondial complexe mais stable

L’analyse de Rexecode présentée lors de Fashion Reboot souligne un monde marqué par des tensions géopolitiques, notamment entre les États-Unis et la Chine, sans pour autant que cela freine la croissance mondiale ou provoque de nouvelles tensions inflationnistes majeures.

Un élément marquant est la montée en puissance de la Chine qui génère désormais un excédent commercial plus important avec l’Europe qu’avec les États-Unis. Pendant ce temps, les stratégies industrielles américaines misent sur la relocalisation, les crédits d’impôt et le développement technologique, tandis que la Chine investit massivement dans son industrie et mène une politique agressive de montée en gamme. L’Europe est prise en étau.

La France fait face à un contexte politique incertain qui pèse sur les investissements et les embauches. La croissance ralentit, la consommation privée est faible au profit de l’épargne (déformation de la structure des revenus en faveur des revenus financiers et des prestation de retraite), la pression de dépenses contraintes reste forte (logement notamment) et les facteurs de croissance à long terme (productivité, innovation) sont orientés défavorablement.

Perspectives 2026 : s’adapter pour survivre et prospérer

L’IFM identifie plusieurs enjeux clés pour 2026 :

  • Redonner du sens au prix : reconstruire la valeur perçue des vêtements face à la concurrence des prix bas.
  • Concilier qualité, éthique et prix juste : répondre à un consommateur plus exigeant et fragilisé.
  • Accompagner la bascule générationnelle : intégrer les attentes des jeunes en matière de digital, seconde main et nouvelles esthétiques.
  • Affronter la pression concurrentielle mondiale : naviguer entre concurrence chinoise renforcée et contraintes européennes.

En 2025, la prévision la plus pessimiste pour la consommation en habillement-textile tablait sur un recul de 1 % s’est confirmé en fin d’année. Pour 2026, les prévisions sont les suivantes :

Optimiste +1 %,
Médiane – 0,5 %
Pessimiste – 2 %.

Cette journée a confirmé que la mode est en pleine recomposition, entre fragilité économique, mutation des comportements et nécessité de repenser les modèles pour répondre à un marché en profonde évolution.

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