INTERVIEW DE NICOLAS SANTI-WEIL, CEO D’AMI : « NOS DEUX GRANDS AXES DE DÉVELOPPEMENT SONT LE DIGITAL ET LA CHINE »

La semaine dernière a eu lieu la première édition des Rencontres Internationales Mode & Création organisées par Business France. L’occasion pour nous de revenir sur le dernier voyage présidentiel en Chine, auquel participait Nicolas Santi-Weil, administrateur du DEFI et directeur général de la marque AMI. 

Dotée du deuxième PIB mondial depuis 2010, la Chine est devenue un acteur économique majeur et un marché clé pour les entreprises françaises. Lors de ses vœux aux acteurs économiques et à la presse, Bruno Le Maire a insisté sur la nécessité de participer aux « nouvelles routes de la soie » et d’en faire une opportunité pour la France. Dans le secteur de la mode, la Chine est également un acteur important et un marché stratégique. 

Les géants chinois Alibaba et JD.com sont aujourd’hui des poids lourds du e-commerce international. Mais s’ils peuvent représenter une concurrence pour les marques, ils représentent également des opportunités. C’est l’exemple de la French Boutique lancée en mars 2017 sur la plateforme Tmall Global par le groupe Alibaba en partenariat avec la Fédération française du prêt-à-porter féminin. C’est également le cas avec la signature en janvier dernier du partenariat entre JD.com et Business France, engageant le géant chinois à vendre 2 milliard d’euros de produits français en Chine d’ici à fin 2019. 

Ces initiatives permettent aux entreprises d’accéder au marché chinois, un marché colossal et à très fort potentiel pour les marques françaises. Comme le rappelle Business France, « l’industrie de la mode fait partie de celles qui représentent le mieux la richesse créative de la France, c’est pourquoi les entreprises du secteur doivent saisir les opportunités qui en découlent ». La mode française a des opportunités d’autant plus grandes en Chine que les consommateurs y « apprécient la qualité des produits français » selon Florent Courau, directeur France de JD.com. Un intérêt que l’on observe notamment à travers le comportement d’achat des touristes chinois en France : « plutôt qu’ils remplissent leurs valises lorsqu’ils voyagent pour les rapporter au pays, nous allons les leur livrer » explique Liu Qiandong, fondateur de la marketplace chinoise. 

Nous avons rencontré Nicolas Santi-Weil au retour de son voyage en Chine. Nous avons abordé avec lui les projets d’AMI mais également son point de vue sur les opportunités que représente  le marché chinois pour les marques françaises. 

Nicolas Santi-Weil est le directeur général de la société AMI, il est également administrateur du DEFI et membre du comité de direction de la Fédération de la Haute Couture et de la Mode. Après des études à Marseille, il intègre l’ESCP puis développe les activités de la maison française Liste Rouge aux Etats-Unis. En 2008, il rentre en France où il participe au lancement de la marque The Kooples avant de rejoindre AMI en 2013. Nicolas Santi-Weil évoque sa rencontre avec Alexandre Mattiussi « en découvrant la marque, j’ai eu un coup de cœur, j’ai demandé à rencontrer son créateur, et quand je l’ai rencontré, j’ai eu un coup de cœur encore plus important […] à ce moment-là,  je souhaitais m’engager dans une nouvelle aventure, j’ai craqué à la fois sur le personnage et sur l’histoire qui me parlait beaucoup. Je l’ai rejoint à la fois en tant que directeur général et en tant qu’investisseur ». 

Deux grands projets pour le futur : le digital et la Chine 

Aujourd’hui, les deux grands axes de développement d’AMI sont le digital et la Chine. « En ce qui concerne le digital, nous sommes en partenariat avec Farfetch qui nous a beaucoup aidés, à la fois en nous permettant de travailler sur leur plateforme, mais aussi en développant avec eux un site en propre. Grâce à cela, nous avons accès à tous leurs savoir-faire sur le marketing digital et la chaine logistique, et nous arrivons à toucher en direct des clients aux quatre coins du monde. Pour ce qui est de la Chine, c’est un marché énorme, rien que les chiffres parlent d’eux-mêmes : 1,4 milliard. Quand on rapporte ce chiffre à la taille de la France, ça fait tout de suite plus qu’un continent en un seul marché, un seul pays. C’est un marché riche, un marché à fort potentiel, mais un marché complexe en même temps.»

Une stratégie wholesale et online 

AMI est présent sur le marché chinois depuis plusieurs années. Nicolas Santi-Weil évoque la stratégie de la marque : « Cela fait déjà plusieurs années que l’on travaille avec des partenaires, des concept stores et des grands magasins, ce qui est un peu la stratégie d’AMI. Les grands magasins nous permettent de vendre des volumes importants et les concept stores nous apportent une clientèle influente sur son marché local. En Chine, c’est un marché très riche mais très complexe, l’idée c’est de commencer à tester notre présence via des partenaires en format wholesale, avant d’envisager d’y aller de manière beaucoup plus structurée et plus dense. » AMI est également présent en Chine grâce à son partenariat avec Farfetch  « on est également très présents via Farfetch, grâce à notre site propre qui livre là-bas, avec un service client qui permet des retours.»

Le voyage présidentiel : une opportunité pour mieux comprendre le marché

L’entrepreneur a vécu le voyage en Chine comme une véritable opportunité. « C’est un mouvement intelligent de l’Élysée, qui montre, en invitant des startups, qu’ils ont aussi à cœur de faire rayonner des jeunes entrepreneurs, qui, même si leur poids économique est bien moindre, représentent un allant créatif, le terreau entrepreneurial de la France.» Le voyage lui a permis d’avancer sur son projet de développement en Chine : « vu la différence et la singularité de ce pays et de ce marché, il faut de toute façon aller sur place pour bien pouvoir comprendre la culture, rencontrer les potentiels partenaires dans leur cadre de vie. Cela m’a beaucoup aidé à avancer, à avoir une idée plus claire […] Ce voyage était aussi l’occasion de rencontrer des entreprises françaises et de voir quelles étaient leurs relations avec la Chine, quel type de partenariat elles avaient choisi. » 

Un marché d’avenir pour les jeunes marques françaises 

Selon le directeur général d’AMI, les marques françaises ont de réelles opportunités à saisir sur le marché chinois. Il précise : « Le savoir-faire français est reconnu dans le monde entier et plus particulièrement en Asie. Je dirais qu’il y a eu la première génération de marques occidentales qui y sont allées tout au début et qui ont réussi à acquérir de belles parts de marché. Mais il y a sur certaines régions une saturation et un effet générationnel […] Donc oui je pense qu’il y a vraiment un potentiel, un champ très fertile pour des jeunes marques européennes […] C’est un marché qui est bouillonnant en ce moment et  je pense qu’une bonne partie de l’avenir pour les jeunes marques européennes et créatives se joue en Asie, et notamment en Chine. »

Nicolas Santi-Weil explique que le DEFI peut jouer un rôle dans le succès des marques françaises en Chine « en mettant en avant, à la fois en termes de communication et de financement, avec des événements, des showrooms comme Designers Apartment […] Je  pense que le DEFI a un rôle important à jouer dans l’accompagnement et la mise en avant des pépites françaises ». 

Un marché complexe 

Si la Chine est un marché à fort potentiel, Nicolas Santi-Weil insiste sur la nécessité d’être prudent et de prendre son temps « Il ne faut pas faire n’importe quoi, ce n’est pas parce que c’est loin et parce que c’est gros qu’on peut laisser faire n’importe quoi. Je pense qu’il faut rester fidèle à son ADN, trouver par exemple le partenaire qui va être capable de comprendre cet ADN et de le raconter en Asie. Ce qui est très compliqué c’est que c’est un marché qui est très exigeant, qui est très disparate aussi, à la fois en termes de superficie et de population. Il faut donc comprendre la diversité du marché et réfléchir à la façon de l’aborder en fonction de la région où vous vous trouvez ». Une autre spécificité à prendre en compte est l’ultra-connexion des consommateurs chinois et l’utilisation de réseaux sociaux qui leur sont propres, à l’image de Weibo ou Wechat. La présence des marques sur ces plateformes représente un véritable enjeu de visibilité. 

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