Du 26 au 30 avril se tenait la 33ème édition du Festival international d’art et de photographie d’Hyères. Evénement incontournable de la mode, le Festival encourage et soutient chaque année la nouvelle garde de la création dans la mode et la photographie.
C’est au sein de la cultissime villa Noailles que se tenaient les 18e Rencontres de la Mode, organisées par la Fédération de la Haute Couture et de la Mode, avec le soutien du DEFI. Initiées par Didier Grumbach, elles rassemblent chaque année les amoureux de la mode autour des sujets marquants de ce secteur.
Cette année, le sujet « tech » portait sur la création face aux défis de l’intelligence artificielle. Pascal Morand, Président Exécutif de la Fédération de la Haute Couture et de la Mode, et membre de l’Académie des Technologies, s’y est exprimé aux côtés de Céline Bondard, Avocate aux Barreaux de Paris et New York et fondatrice du Cabinet Bondard, et de Maxime Coupez, Directeur de Projets chez Fabernovel Innovate.
Pascal Morand a d’abord rappelé les origines du terme « Intelligence Artificielle », apparu au début du 20e siècle avec le questionnement sur le sens des mots et de l’information, ainsi que sur la manière de les organiser par des calculs. C’est en 1931 que le premier programme informatique fut écrit par Kurt Gödel, mathématicien et logicien.
En 1956, McCarthy nommera intelligence artificielle la conception de systèmes ayant pour objectif de modéliser la complexité de l’intelligence humaine.
Il y a donc deux acceptions pour l’intelligence artificielle :
- Tout connaître grâce à la puissance de calcul pour faire le meilleur choix, typiquement l’intelligence artificielle qui joue aux échecs,
- Créer des équivalents de réseaux neuronaux auto-apprenants.
Rappelant les récents rapports Villani et européen sur l’Intelligence Artificielle, le modérateur Dominique Turcq, Président de l’Institut Boostzone, a précisé toute l’importance accordée par la France et l’Europe à cette technologie. Pour autant, qu’en est-il en termes de création ?
Selon Maxime Coupez, les grandes tendances technologiques posent moins des questions technologiques que des questions plus fondamentales sur la façon dont fonctionnent les humains, et a fortiori les business. La question de l’influence de l’intelligence artificielle sur la création amène donc, toujours selon lui, à se poser la question de ce qu’est la création. Pour qu’une intelligence artificielle puisse répondre à ce problème, la création ou encore la notion de « goût » doivent pouvoir être analysées et modélisées par des ingénieurs créateurs de cette « IA ». Pourtant, par définition, le goût est quelque chose qui ne se modélise pas. C’est l’obstacle auquel se heurtent ainsi aujourd’hui les ingénieurs en charge de créer ces « intelligences artificielles » créatrices. Maxime Coupez reste convaincu que la véritable création, et non pas le prolongement de tendances, restera l’apanage des humains, même si des IA pourront permettre un élargissement des sources d’inspiration.
Quant au volet juridique de l' »intelligence artificielle », Céline Bondard nous a rappelé, de façon très imagée, toute la difficulté de qualification des droits des non-humains par la loi. Citant le désormais célèbre Selfie Monkey Case, Maître Bondard a souligné que tant les machines que les animaux ne disposaient pas (pas encore) de personnalité juridique. Ainsi, un photographe ayant donné un appareil photo à un singe qui a pris un selfie qui a remporté un important succès, a été poursuivi par la PETA. L’association lui a reproché de s’accaparer les gains de ladite photo. Le tribunal s’est penché sur la question de la propriété de cette image. L’animal, considéré comme dénué de personnalité juridique, ne peut donc pas posséder les droits de cette image. Pour une machine, qui créérait de façon autonome, qu’en est-il ? Il apparaît que le partage des droits ne se trancherait pas entre le créateur et la machine, mais entre le créateur et la société qui aurait développé l’algorithme de l’intelligence artificielle. Il est donc essentiel à court terme d’être très vigilent quant aux droits associés lors de l’acquisition d’une IA.
Ces sujets sont encore très délicats, à ce stade. Aujourd’hui, la création nécessite un degré de conscience et d’émotion. Qu’en sera-t-il quand des robots conversationnels, comme cela a été le cas pour Facebook, sauront largement converser dans un langage inventé par eux ?
IN BRIEF
Le sujet de l’intelligence artificielle appliquée à la création fait aujourd’hui largement débat. Les avis divergent quant à la possibilité qu’un jour elle soit capable de créer, dans toute les dimensions que cette valeur sous-entend. Aujourd’hui, certains s’en rapprochent, comme The Next Rembrandt, mais « ne sont », en fait, que des programmes entrainés à faire une seule et unique chose – ici, reproduire un tableau du maître à partir des archives de l’artiste. Ceci ne peut être qualifié de création, même si ce type de projet présente un intérêt.
La création d’avant-garde apparaît comme plus que jamais indispensable.