Whole Foods : première erreur stratégique d’Amazon ?

Avec un chiffre d’affaires de 136 milliards de dollars en 2016, le géant américain du web est le premier e-retailer mondial. Sixième du classement Deloitte des plus grands distributeurs mondiaux, l’entreprise est également le deuxième distributeur le plus populaire dans le domaine de l’habillement aux États-Unis. 

A sa création il y a 24 ans, Amazon était une librairie en ligne. Pour obtenir le succès que nous lui connaissons aujourd’hui, l’e-commerçant a misé sur la satisfaction du client, notamment grâce à l’un des meilleurs programmes de fidélité au monde. Amazon a aussi pris toute une série d’initiatives-clés : élargissement de son offre, acquisition de sociétés et diversification de ses activités (musique, vidéo, épicerie, prêt à porter, objets connectés ou encore services de cloud). Récemment, Amazon a ouvert son premier supermarché sans caisse et a annoncé la création d’un service de livraison en propre.  

En juin 2017, Amazon a racheté la chaîne de supermarchés bio Whole Foods pour 13,7 milliards de dollars : la plus importante acquisition de son histoire. La nouvelle a soulevé de nombreuses interrogations quant à la façon dont Amazon allait intégrer l’enseigne. Comme le souligne Le Monde « Amazon a clairement fait le choix du marché de masse en proposant des produits à des prix les plus bas possible. Whole Foods Market est l’antithèse de ce modèle ». 

L’une des clés du succès de Whole Foods auprès des consommateurs est la découverte de producteurs locaux indépendants. Mais depuis le rachat par Amazon, leur présence semble remise en question par la mise en place de nouvelles règles favorisant les plus grandes marques. Business Insiders rapporte que certains producteurs envisagent de se retirer du réseau Whole Foods, tandis que d’autres craignent de disparaître progressivement des rayons. Amazon serait-il en train de commettre une erreur stratégique ?

Parmi les reproches adressés à Whole Foods depuis l’acquisition, nous retrouvons la centralisation des achats, la baisse des prix de vente, l’augmentation des tarifs de présentation en magasin et la facturation obligatoire de nouveaux services.  

Des prix poussés à la baisse 

Dès l’officialisation du rachat, Whole Foods a annoncé la baisse des prix de certains de ses produits. La chaîne impose aujourd’hui aux fournisseurs lui vendant plus de 300 000 dollars par an de réduire leurs prix de 3 à 5%. Certains redoutent que l’influence d’Amazon déclenche une course aux prix les plus bas qui favoriserait les sociétés les plus importantes. Le média Greenbiz constate notamment que le mot « local » disparait peu à peu sur le site internet de Whole Foods, au profit des mots savings (économies) et new lower prices (nouvelle baisse des prix). 

Une présence plus chère en magasin

Le Washington Post rapporte que la chaîne de supermarchés a augmenté le tarif de ses meilleurs espaces de présentation en magasin. Elle exige également que les producteurs fassent appel à une entreprise tierce pour la réalisation de démonstrations produits ainsi que pour la gestion du stock et de la présentation des produits en rayon. Les producteurs pouvaient auparavant réaliser leurs démonstrations eux-mêmes et sans frais supplémentaires. L’augmentation du tarif des meilleurs espaces de présentation en magasin favorise les plus grandes marques. Dans le même temps, la facturation obligatoire de nouveaux services peut poser de véritables contraintes financières aux sociétés les plus petites. 

Des achats centralisés 

Les achats de Whole Foods sont désormais centralisés. Avant le rachat, des acheteurs locaux étaient en charge de la sélection des producteurs : cela favorisait une grande diversité de produits et permettait aux producteurs de rentrer facilement en contact avec les acheteurs. D’après CNN, la centralisation des achats aurait pour effet d’uniformiser l’offre de Whole Foods aux dépens du nombre et de la diversité des petits producteurs locaux en magasin. 

Bien que Whole Foods continue d’offrir aux petits producteurs une clientèle qualifiée et une reconnaissance de la qualité de leurs produits, cela ne semble pas suffisant pour garantir leur présence à long terme dans le réseau. Selon Serge Papin, PDG de Système U, dans la revue We Demain « Amazon risque de mourir de sa boulimie […] Il aura du mal avec ce qui relève du lien ». Or, comme le rappelle l’étude Fabernovel financée par le DEFI, l’attention portée à l’expérience-client est aujourd’hui un facteur-clé de la réussite d’une marque. Il est désormais primordial de créer du lien avec ses clients et de s’adapter le plus justement possible à leurs attentes. En rachetant Whole Foods puis en établissant de nouvelles règles desservant les petits producteurs locaux, Amazon semble aller à contre-courant des attentes des consommateurs de la chaîne, mais également des consommateurs en général, de plus en plus à la recherche de sens et de consommation locale. 

Photo by Robert Scoble on Foter.comCC BY

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